Prise de position AROPI – Révision des Directives en matière de marques de l’IPI – en vue du 1er janvier 2019
Position du 14 septembre 2018 de l’AROPI adressée à l’IPI à l’attention de Monsieur Eric Meier, Vice-directeur et chef de la Division des marques
Cher Eric,
Au nom de l’AROPI, nous remercions vivement l’Institut fédéral pour la consultation des milieux intéressés sur ce sujet, ainsi que pour la prolongation accordée cet effet.
L’AROPI est d’avis que l’ensemble du projet est comme à l’accoutumée d’excellente facture.
En ce qui concerne l’objectif général poursuivi en matière de prolongations de délais et d’alignement sur le programme de convergence CP3 de EUIPO, il est toutefois à regretter que l’IPI souhaite, une fois de plus, restreindre sa pratique en défaveur des utilisateurs du système.
Ainsi, s’il est bien entendu concevable que les procédures d’opposition et de radiation doivent être des procédures rapides et que la suspension est toujours possible, la relation entre les conseils et leurs clients (souvent à l’étranger) nécessite un certain temps pour déterminer le suivi de tels dossiers. En outre, l’obtention, l’évaluation et la soumission des preuves d’usage constitue une tâche de plus en plus difficile du fait d’une part des exigences très élevées en la matière de la pratique suisse, et d’autre part du fait de la globalisation des échanges commerciaux et du temps nécessaire pour l’obtention de documents attestant d’un usage dans un territoire aussi petit que la Suisse. Par conséquent, nous nous opposons à la réduction des délais à 1 mois.
Dans ce contexte, nous relevons que l’IPI a récemment mis en place une pratique discutée avec les milieux intéressés en ce qui concerne le deuxième échange d’écritures (« maintien » ; cf. notamment NEWSLETTER 2018/04 MARQUES). S’il maintient son refus, l’IPI en informe brièvement le titulaire ou son mandataire par écrit tout en lui communiquant qu’une décision détaillée sujette à recours sera émise, en principe après le délai d’un mois. Durant ce mois, le titulaire ou son mandataire a la possibilité de se prononcer une dernière fois (p. ex. en modifiant le signe, en limitant géographiquement la provenance des produits ou services ou en demandant l’enregistrement à titre de marque imposée tout en produisant les documents nécessaires).
Or il semble depuis peu qu’il n’est pas possible d’obtenir une prolongation de ce délai précité de un (1) mois pour prendre position ou modifier la demande de marque avant une décision finale de rejet. Ceci constitue une péjoration très importante de la situation des utilisateurs en procédure d’enregistrement par rapport à la pratique passée. Une telle pression (artificielle) dans la procédure d’enregistrement n’a pas été discutée avec les milieux intéressés (et encore moins acceptée). Du reste, cette mesure est sans doute contre-productive, car faute d’instructions et/ou de modification de la demande dans des délais aussi courts, l’IPI risque de se voir obligé de rédiger un certain nombre de décisions matérielles qui seraient en réalité inutiles.
En ce qui concerne le programme CP3 de EUIPO, nous considérons que la jurisprudence suisse a développé ses propres critères et qu’il y a lieu de s’y tenir. Il nous parait d’autant plus important de maintenir une marge de manœuvre en la matière que l’IPI semble se montrer beaucoup plus sévère que EUIPO en ce qui concerne les preuves d’usage requises pour établir une marque imposée, en tendant à exiger un usage de la marque verbale sans autres éléments graphiques additionnels. Cela conduit les utilisateurs dans une impasse en Suisse : leur marque combinée serait refusée faute d’éléments graphiques considérés suffisants, et elle est ensuite également refusée à titre de marque imposée en raison de l’usage avec ces mêmes éléments graphiques. Par ailleurs, nous nous opposons par principe à la reprise mécanique d’une pratique étrangère plus sévère, sans fondement sur la jurisprudence fédérale. Enfin, il est dommage de constater que l’IPI ne suggère pas de reprendre d’autres pratiques EUIPO moins restrictives et défavorables aux utilisateurs (par exemple en matière de termes décrivant l’objet contenu dans les produits, en matière de désignation de couleur ou en matière de services de vente au détail, dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils sont destinés aux consommateurs finaux).
Vous trouverez ci-dessous nos commentaires relatifs à deux points spécifiques.
Partie 5 – 4.4.2.7.8 Désignations de couleur (page 131)
A notre avis la question de savoir si une désignation de couleur peut constituer une indication descriptive des caractéristiques du produit ou un critère d’achat est une question de terminologie. Ce qui importe à nos yeux est que si l’IPI refuse une telle demande, il doit démontrer que la désignation de couleur est utilisée dans le secteur concerné pour décrire le produit/service en vue de son offre/acquisition (par exemple en tant que critère de recherche sur les sites de vente en ligne) et qu’elle sera perçue comme telle par le public. Cette désignation est ainsi typique, et à la fois utile aux concurrents et pertinente pour le choix du consommateur. Le fait qu’il existe un produit dans la couleur concernée n’est en soi pas suffisant (mais peut constituer tout au plus un indice). Du reste l’enregistrement d’une marque verbale MAGENTA ne confère en principe pas de monopole sur les produits de cette couleur (fair use). Un consommateur de cigarettes ne va pas rechercher des cigarettes de couleur magenta; une consommatrice de chandails voire de chaussures, peut-être.
Partie 5 – 4.11 Marque de couleurs (page 159) – cf. aussi Notes 268 et 269
Selon l’IPI, « L’imposition du signe dans le commerce est seulement possible s’il n’existe pas un besoin absolu de disponibilité ». Or, il n’existe pas d’arrêt du TF ou du TAF qui déclare l’existence d’un besoin absolu de disponibilité pour les signes en général (autres que les marques tridimensionnelles particulières mentionnées à l’article 2 let. b LPM). Partant, il s’agit d’une simple affirmation que l’IPI devrait tracer ou clairement relativiser.
Pour le reste nous n’avons pas de commentaires détaillés sur les points et passages spécifiques de ce projet.
Bien cordialement,
Guillaume Fournier et Eric Rojas
Président et Vice-Président de l’AROPI