Madame, Monsieur,
L’AROPI est une association de droit suisse qui aborde tous les aspects de la protection de la propriété intellectuelle. Avec près de 200 membres, l’AROPI est l’une des grandes associations en matière de propriété intellectuelle en Suisse.
Dans le cadre de ses activités, le l’AROPI a pris connaissance de l’avant-projet de loi fédérale sur la révision totale de la loi sur la protection des données (ci-après “ALPD”) qui prévoit dorénavant de soumettre les registres publics de propriété intellectuelle à la loi sur la protection des données.
Dans le délai imparti au 4 avril 2017, l’AROPI conteste le bien-fondé de ce changement de paradigme visant à soumettre à l’ALPD les registres publics de propriété intellectuelle découlant notamment de la loi fédérale sur les marques et des indications de provenance géographiques, de la loi fédérale sur les brevets (“LBI”) et de la loi fédérale sur les designs, tous gérés par l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle.
A ce jour, une personne (physique ou morale) peut obtenir un monopole sur une marque, un brevet ou un design. La contrepartie automatique et obligatoire de ce monopole est la publicité du registre et la consultation par tout tiers des pièces contenues dans ce même registre. Il s’agit de principes cardinaux essentiels à la viabilité du système puisqu’ils sont les seuls à même de permettre la transparence – et donc le contrôle – du système. Les seules limitations actuelles portées à ces deux principes sont (i) la garantie de pouvoir classer à part les documents qui contiennent des secrets de fabrication ou d’affaires (art. 36 al. 3 de l’Ordonnance sur la protection des marques (“OPM”), art. 65 LBI, art. 22 de l’Ordonnance sur les designs (“Odes”)) et la destruction des documents suite à une radiation/révocation du droit de propriété intellectuelle (art. 39 OPM, art 92 OBI, art. 24 ODes). Les utilisateurs du système sont ainsi parfaitement informés du fait que les données communiquées dans le cadre d’une procédure devant l’Institut fédéral de la propriété intellectuelle sont entièrement accessibles au public.
L’AROPI est d’avis que l’application de l’ALPD aux registres publics de propriété intellectuelle est inappropriée car elle ne permet pas de tenir compte de (i) l’intérêt public général à pouvoir accéder à toutes les données échangées en vue de l’octroi d’un monopole et (ii) des deux principes cardinaux précités. Ce constat ne signifie pas que la protection des données ne doit pas trouver du tout d’application dans le domaine de la propriété intellectuelle, mais elle doit s’effectuer par des dispositions spéciales, contenues directement dans les lois spécifiques de propriété intellectuelle. Seule une telle approche permet de tenir compte des particularités des divers droits de propriété intellectuelle et de régler, en fonction du registre (marque, indications géographies, brevet, design, etc.), les questions relatives à la protection des données.
Au surplus, la tendance actuelle est très clairement de permettre un accès immédiat online à l’ensemble du dossier. Cette pratique est largement répandue au niveau européen et tant l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle que l’Office Européen des Brevets offrent un accès électronique online à l’ensemble des pièces de la procédure, y compris les échanges entre les parties et entre les parties et l’office. Les utilisateurs suisses du système militent pour qu’une telle offre soit aussi disponible pour les registres publics suisses de propriété intellectuelle, ce qui permettra d’accroître encore la transparence et l’efficacité du système. Il va sans dire que l’application de l’ALPD à ces registres va entraver inutilement un tel développement.
Pour les motifs précités, l’AROPI est d’avis que la suppression de l’exception prévue actuellement à l’article 2 al. 2 let. d LPD n’a aucune raison d’être et demande que cette exception perdure, à tout le moins pour les registres publics de droits de propriété intellectuelle.
En vous remerciant de l’attention que vous porterez à la présente, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, à mes salutations distinguées.
AROPI – Guillaume Fournier, Président