Monsieur le Président,

Mesdames et Messieurs,

Nous nous référons à votre courrier du 7 juin 2017 concernant le projet de diverses modifications d’ordre organisationnel de la Loi sur le Tribunal fédéral des brevets (LTFB) et vous remercions d’avoir consulté l’AROPI.

Le projet prévoit la possibilité d’élire le second juge ordinaire en tant que vice-président (art. 19 LTFB) assurant la suppléance (art. 18 al. 5 LTFB), quand bien même il a une formation technique. Il est également proposé qu’un tel juge de formation technique puisse agir en tant que juge unique ou juge instructeur (art. 23 al. 2 et 3 LTFB et art. 35 al. 1 LTFB).

L’AROPI soutient ces propositions de modifications de la LTFB.

Le Tribunal fédéral des brevets est une juridiction très particulière, dès lors que seuls deux juges ordinaires (dont le Président) et une greffière ont des postes fixes, les autres membres étant des juges suppléants. Pour des motifs de célérité des procédures et de compétitivité du Tribunal fédéral des brevets sur le plan international, l’indisponibilité du Président du Tribunal fédéral des brevets, par exemple en raison d’un conflit d’intérêt, ne doit pas automatiquement conduire à faire appel à un juge suppléant de formation juridique. Il est plus efficace, plus rapide et moins onéreux de faire appel au second juge ordinaire qui peut, comme c’est le cas actuellement, être de formation technique.

En effet, les juge suppléants de formation juridique ne sont pas des juges professionnels, leur disponibilité est plus réduite, notamment en raison de possibles conflits d’intérêts. De plus, contrairement à ce que semble laisser entendre l’Office fédéral de la justice, les décisions de procédure doivent être signées par courrier et non pas par voie électronique.

On rappellera que tous les juges du Tribunal fédéral des brevets doivent notamment avoir des connaissances dans le domaine du droit des brevets (art. 8 al. 1 LTFB). Les juges de formation technique sont en principe des conseils en brevets ayant suivi une formation juridique complémentaire. De plus, il convient de souligner qu’il ne s’agit pas de confier cette tâche à l’un des juges suppléants de formation technique, mais uniquement au second juge ordinaire, même s’il a une formation technique.

Contrairement à ce que soutient l’Office fédéral de la justice, du fait de son implication dans quasiment toutes les procédures, le second juge ordinaire a non seulement toutes les connaissances juridiques requises, mais il discute la plus part des cas avec le Président et la greffière. Il dispose donc de plus d’expérience que les juges suppléants de formation juridique qui sont plus rarement actifs dans une telle procédure et ne disposent en principe pas d’expérience pour conduire une procédure. De plus, l’appel à différents juges suppléants de formation juridique pourrait mener à des pratiques divergentes.

Comme cela est du reste indiqué dans le commentaire article par article, au moment de l’élection du second juge ordinaire, il est néanmoins impératif de tenir compte du fait que ce dernier doit disposer des connaissances juridiques nécessaires et de l’expérience correspondante.

En ce qui concerne la possibilité de faire appel à deux autres juges non seulement dans le cadre de mesures provisionnelles, mais également dans d’autres cas, on ne peut que soutenir cette proposition qui tend conférer plus de flexibilité et de sécurité juridique.

Quant à la délégation de certaines étapes procédurales à des greffiers, elle est limitée à des cas bien particuliers tels que des extensions de délais et non pas à des actes tels que l’administration des preuves, ce qui n’avait pas été retenu lors de l’élaboration du code de procédure civile (cf. FF 2006, 6923 qui ne mentionne du reste pas l’art. 124 CPC évoqué par l’Office fédéral de la justice). Par conséquent, on peut également soutenir ce point.

Les objections de l’Office fédéral de la justice ne nous paraissent pas justifiées. La question de savoir s’il s’agit de modifications purement organisationnelles ou de modifications fondamentales n’a du reste guère d’importance, dès lors que votre Commission a souhaité une consultation.

En raison de la composition très particulière du Tribunal fédéral des brevets, rappelée ci-dessus, on ne saurait soutenir que ces modifications pourraient constituer un précédent pour une autre juridiction, ni faire de comparaison avec les juges suppléants d’un Tribunal de commerce cantonal qui n’ont pas nécessairement de connaissances juridiques. Au regard de la professionnalisation de la justice, il n’est d’ailleurs pas opportun, en cas d’indisponibilité du Président du Tribunal fédéral des brevets, de confier la conduite du procès à différents juges suppléants de formation juridique.

Par conséquent, compte tenu du besoin d’une pratique uniforme, d’une justice rapide et d’un Tribunal fédéral des brevets compétitif sur le plan international, cette proposition de modification doit être saluée.

Restant à votre entière disposition, nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, à l’assurance de nos sentiments les meilleurs.

Pour l’AROPI, Guillaume Fournier, Président